Mucha, une icône de l’Art Nouveau
Si le nom d’Alphonse Mucha ne vous évoque rien, on est sûr que son style vous est familier. Egérie de la Belle Epoque et de l’Art Nouveau, les œuvres d’Alphonse Mucha ont traversé le temps pour peupler le paysage culturel international. Connu principalement pour ses affiches où sont mises en scène des jeunes femmes ingénues, encadrées par une multitude d’arabesques et d’éléments ornementaux, les travaux de Mucha donnent naissance à un style qui lui est propre et qui inspire encore les artistes contemporains.
Mucha, affichiste de renom
Alphonse Mucha nait en 1860 dans l’empire d’Autriche. Passionné par les arts et la musique, il postule sans succès à l’Académie des beaux-arts de Prague en 1878. Son rejet s’accompagne d’un conseil qui découragerait plus d’un étudiant :
“Choisissez une autre profession où vous serez plus utile”
A l’âge de 19 ans Mucha part s’installer à Vienne où il continue sa formation artistique en travaillant comme décorateur de théâtre. C’est à cette époque que le jeune artiste rencontrera son premier mécène, le Comte Khuen Belasi.
Grâce au Comte, Mucha réalise les décors des châteaux Emmahof et Gandegg, et obtient plusieurs commandes dont des portraits. En 1885, il finance la formation de Mucha à l’Académie des Arts de Munich puis à l’Académie Julian à Paris où il part en 1887.
Succès parisien
C’est à Paris que va s’écrire l’histoire du succès de Mucha, digne d’un conte de Noël de Dickens, elle commence le soir du 24 décembre de 1994.
L’une des actrices phares de la capitale, Sarah Bernhardt, se précipite chez son imprimeur, elle a besoin d’une affiche pour la prolongation de sa pièce de théâtre Gismonda pour le nouvel an. Si personne n’est disponible pendant les vacances, Mucha, qui était présent dans les locaux à corriger des épreuves se propose pour relever le défi.
Si l’artiste trentenaire avait d’ores et déjà une petite réputation et travaillait avec plusieurs éditeurs dont Armand Colin, rien ne présageait le succès immédiat de l’affiche.
La réclame pour la pièce représente l’actrice surnommée “La divine” en taille réelle. Certaines affiches sont récupérées dans la rue, d’autres sont achetées aux imprimeurs, le succès est tel que Sarah Bernhardt offre à Mucha un contrat de six ans.
L’affiche par Mucha, de la communication à l’art
C’est ainsi que Mucha détrône les grands affichistes de la fin du XIXème siècle pour imposer son esthétique sur la plupart des murs de la capitale française.
Mucha devient alors l’affichiste incontournable de la capitale. Il travaille sur des affiches publicitaires pour de nombreuses marques, dont certaines existent encore. Au cours de sa carrière, l’artiste réalise 119 affiches publicitaires.
Dans ces-dernières, le produit s’efface pour laisser place aux modèles, élément central de ses compositions. L’affiche pour le papier à cigarette Job en est un bon exemple. Si le modèle tient lascivement une cigarette, il apparaît de manière évidente que ni le produit, ni la marque, qui disparait en partie derrière les cheveux du modèle, ne sont au centre de la composition.
Le style Mucha est partout, de l’affiche au papier peint, en passant par des menus, et des calendriers. Il réalise aussi plusieurs modèles de bijoux et est même mis en charge de l’architecture intérieure de la bijouterie de Georges Fouquet, en 1901.
Pour Mucha et les adeptes de l’Art Nouveau, l’art doit se défaire de ses perceptions rigides et s’ouvrir aux autres domaines artistiques. L’Art Nouveau se veut transdisciplinaire et d’influences multiples, il doit être à la portée de tous et non réservé à une élite.
Pour ses affiches, Mucha utilise la technique de la lithographie qui permet de reproduire des illustrations en série, offrant la possibilité à tous de collectionner de l’art.
« J’étais heureux de m’être engagé dans un art destiné au peuple et non à des salons fermés. »
Mucha est souvent vu comme celui qui permettra à l’affiche de s’élever au rang d’art. Parmi ses œuvres les plus connues figurent plusieurs séries d’allégories, sans texte, elles sont pensées comme éléments décoratifs.
La première Les Saisons, réalisée en 1896 eut tellement de succès que l’artiste en proposa d’autres versions en 1897 et 1900. Les Saisons seront suivies par cinq autres séries, Les Fleurs, Les Arts, Les Heures du jour, Les Pierres Précieuses et enfin, La Lune et les étoiles.
L’année 1900 marque la consécration d’Alphonse Mucha qui est nommé chevalier de la légion d’honneur et reçoit la médaille d’argent de la cinquième Exposition Universelle. Sa reconnaissance s’étend aussi à l’étranger, notamment aux Etats –Unis où Mucha se rendra régulièrement entre 1904 et 1913, afin de répondre à des commandes et d’enseigner dans plusieurs écoles d’art à Chicago, New York et Philadelphie.
Ce début de siècle marque aussi un changement dans la carrière de l’artiste qui désire se tourner vers la peinture et commence à nourrir l’envie de réaliser des œuvres avec plus de portée, notamment politique.
Un artiste politisé
Alphonse Mucha nait dans l’empire d’Autriche, sa région de naissance est la Moravie, territoire qui se situe aujourd’hui en République tchèque. Cette région est marquée par des combats pour obtenir l’indépendance et la reconnaissance de l’identité slave pendant la majeure partie de la vie de l’artiste, ce qui le marquera profondément.
Mucha est un fervent défenseur de l’identité slave, tant dans ses œuvres, où la culture slave transparait par les ornements, les plantes, les tenues et motifs de ses illustrations, que dans sa posture d’artiste, où il aime à poser en tenue traditionnelle. C’est à Mucha que sera demandé de réaliser les premiers timbres et billets de banque de la Tchécoslovaquie après la proclamation de son indépendance en 1918.
Aux Etats-Unis, Mucha ne trouve pas le succès qu’il avait espéré pour ses peintures et commence à se détacher du style Art Nouveau. Il commentera plus tard ses productions relatives à cette période, les décrivant comme sans valeur, bourgeoise et décadente.
Mucha désire créer des œuvres qui ont un sens, un message. C’est à la suite de sa proposition que le Comité des Slaves est créé à New York et c’est aux Etats-Unis que l’artiste rencontrera le millionnaire Charles Crane, qui permettra à Mucha de réaliser l’Epopée Slave, œuvre majeure de la carrière de Mucha, selon Alphonse lui-même.
L’Epopée Slave
L’Epopée Slave, c’est la réalisation d’un projet de 20 toiles absolument gigantesques retraçant l’histoire slave du IIIème au XXème siècle. Ce travail prendra 18 ans à Mucha et sera présenté à Prague en octobre 1928.
L’artiste a fait don de l’Epopée Slave à la capitale tchécoslovaque, en échange de leur exposition dans un espace dédié dont Mucha a dessiné les plans. Cependant, les travaux pour la mise en place d’une galerie suffisamment grande pour abriter la collection monumentale prennent du temps et les projets d’exposition sont mis à mal par l’arrivée des nazis en Tchécoslovaquie en 1939.
Mucha est alors incarcéré et questionné par la Gestapo, l’artiste nationaliste âgé de 78 ans, est perçu comme une figure politique dangereuse. Son art est classé dégénéré, en particulier l’Epopée Slave, qui entre en contradiction avec la doctrine hitlérienne en présentant l’apologie de l’histoire du peuple slave. Mucha décède quelques mois après son arrestation à son domicile en juillet 1939.
Ce n’est qu’en 1963 que l’Epopée Slave sera à nouveau exposée, d’abord en Moravie, région de naissance de Mucha, puis à Prague depuis 2011.
Actuellement en construction, un nouveau lieu d’exposition sera dédié à l’Epopée Slave et à la carrière de Mucha. Il ouvrira à Prague en 2026, honorant la promesse faite à l’artiste lorsqu’il offrit ses toiles à la ville presque 100 ans plus tôt.
La postérité d’Alphonse Mucha
Icône de l’art nouveau
Si la fin de la carrière d’Alphonse Mucha est marquée par un profond dédain de l’artiste pour son travail relatif à l’Art Nouveau, ce sont bien les travaux de cette époque qui permirent à l’artiste d’accéder à la postérité, on parle même de “style Mucha”.
Quand on parle du style Mucha, on pense à des affiches représentant des jeunes femmes blanches aux longues chevelures ornées de boucles impossibles. Ces représentations sont souvent réalisées dans des grands formats où le modèle peut apparaître en grandeur nature. La mise en place de la plupart de ces affiches nécessite un collage de plusieurs feuilles ce qui est une pratique alors très rare.
Les modèles sont souvent extrêmement détaillés et leur visage est reconnaissable. Mucha travaille à partir de photos, il photographie amis, familles, entourages et modèles qu’il utilise tout au long de sa carrière comme référence, il en laisse plus de 10 000.
La femme est toujours au centre des créations de Mucha, sont souvent encadrée par de nombreux éléments ornementaux. Plantes, arabesques, motifs byzantins et formes architecturales viennent habiller le modèle jusqu’au cadre. Les couleurs sont souvent peu saturées, on trouve beaucoup de tons pastel. Allégories féminines fantasmées, les modèles aux allures virginales sont souvent placées devant des formes circulaires, rappelant les auréoles des figures divines dans les représentations religieuses.
Cette tendance à couronner le haut du corps de ses modèles dans des formes arrondies donnera le nom de “style en Q” à ce type de composition. L’auréole formant le “O” de la lettre, et le corps du modèle formant la queue.
Influences de Mucha
Passée la Belle époque, l’influence d’Alphonse Mucha apparaît à partir de la seconde moitié du XXème siècle. On commence à s’intéresser au courant, des ouvrages sont publiés et des expositions sont organisées. Les motifs sont repris, en particulier les éléments végétaux, l’univers onirique propre au style Mucha se retrouve dans différents mouvements graphiques comme le psychédélisme ou le Flower power.
Une des influences les plus fortes de Mucha, se trouve au japon. Si les estampes de style ukiyo-e influence le mouvement Art Nouveau et l’artiste tchécoslovaque, aujourd’hui c’est le style Mucha qui laisse une empreinte dans le paysage culturel japonais. Cette influence est encore présente aujourd’hui, notamment dans l’univers des mangas.
Le style Mucha, présente un personnage comme l’élément central d’une composition. Ce style apporte la réponse à une problématique que l’on retrouve dans la création de couvertures, surtout dans le contexte d’une série. Que ce soit dans l’univers du manga, de la BD franco-belge ou du comics, le choix est souvent fait de présenter un personnage par couverture, le style Mucha est alors régulièrement convoqué.
Aujourd’hui encore le style Mucha est présent. De nombreux musées comptent des œuvres d’Art Nouveau dans leurs collections permanentes et de nombreuses expositions et rétrospectives sont régulièrement organisées.
Le style Mucha est souvent associé à l’imagerie de la Belle époque, cette période fascine beaucoup et inspire de nombreux artistes du domaine de l’image mais aussi dans la littérature le cinéma ou l’animation.
Beaucoup de dystopies se situent ou sont en lien avec cette période et l’esthétique propre à l’Art Nouveau se retrouve régulièrement dans ce genre d’œuvres.
Récemment c’est l’adaptation du jeux League of Legends en série d’animation par Netflix qui nous dévoile un univers extrêmement influencé par le Paris de la fin du XIXème et par notre artiste du jour, Mucha.
Le style Mucha se retrouve dans de nombreux domaines qui s’éloignent des arts souvent dits comme “nobles”. Beaucoup de créations relevant du fanart ou de la pop culture, comme les tatouages ou des créations de street art, renvoient au style de l’affichiste de l’Art Nouveau.
Un autre exemple de l’influence de Mucha sur notre paysage culturel se retrouve au cœur d’une polémique qui résonne beaucoup chez les créatifs, les IA génératives. En effet, la plupart des IA qui proposent de générer des illustrations offrent des exemples de prompts et de réalisations liées à Alphonse Mucha très rapidement dans la découverte de leurs outils.
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Si vous voulez vous essayer à la création d’œuvres dans le style Mucha, on vous renvoie à ces tutos !
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Illustration de couverture : Crépuscule, Alphonse Mucha, 1899